[L’image à la une de l’article est une peinture de Jean-Baptiste Vignali, Le martyre des Maccabées (1781), où l’on voit la valeureuse mère face au tyran Antiochus IV Épiphane qui a condamné au supplice «ses sept fils dans l’espace d’un seul jour» (2 M 7, 20).]
En la fête de la Médaille Miraculeuse (27 novembre), véritable sceau de la Vierge pour ses enfants, je vous partage l’une de mes prédications.
J’ai prononcé ce texte à deux reprises:
- comme homélie, le dimanche 9 novembre 2008, à Spiri-Maria (Lac-Etchemin), lors de la messe de 14h30;
- comme conférence, le samedi 2 novembre 2013, à l’école secondaire Georges-Vanier (Montréal), lors de la réunion trimestrielle de la Famille des Fils et Filles de Marie.
Cette homélie-conférence se situe dans un triple contexte liturgique:
- la commémoration de tous les fidèles défunts (2 novembre);
- la fête de la dédicace (ou consécration) de la basilique Saint-Jean-de-Latran (9 novembre);
- la mémoire facultative de la dédicace des basiliques Saint-Pierre-du-Vatican et Saint-Paul-hors-les-Murs (18 novembre).
À cela, nous pouvons ajouter la fête juive de la Hanoukka, célébrée pendant huit jours, qui commémore l’histoire des Maccabées. En voici les dates pour 2008, 2013, 2019 et 2020:
- 21 au 29 décembre 2008;
- 27 novembre au 5 décembre 2013;
- 22 au 30 décembre 2019;
- 10 au 18 décembre 2020.
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Le 31 mai 1977, au cours dʼune «expérience eucharistique», Ida Peerdeman entend ceci:
«Enfant de lʼhomme, je tʼai fait vivre les temps des temps. On y vit de nouveau en plein milieu. Considère et comprends-moi bien. Cʼest maintenant que viennent les Maccabées!»
Quelques semaines auparavant, dans la nuit du 5 au 6 mai, Ida se réveille soudain complètement et elle entend à plusieurs reprises:
«Les Maccabées! Les Maccabées!»
Ne comprenant pas la signification de ce mot, Ida entend la Voix céleste qui ordonne à trois reprises, avec des temps dʼarrêt:
«Lisez les Maccabées!…
Lisez les Maccabées!…
Lisez les Maccabées!…»
Cʼest dans lʼAncien Testament que lʼon trouve le Livre des Maccabées, qui est aussi appelé le Livre des Martyrs dʼIsraël. Ce livre raconte un épisode héroïque de la vie de nos ancêtres dans la foi. Nous sommes en 167 avant Jésus-Christ. La Palestine est soumise à lʼempire grec depuis la conquête dʼAlexandre le Grand. La contrée est maintenant gouvernée par le cruel tyran Antiochus IV Épiphane. Ce dernier installe lʼAbomination de la Désolation (1 M 1, 54; 1 M 6, 7) dans le Temple de Jérusalem, cʼest-à-dire un autel dédié à Zeus (2 M 6, 2), et impose la pratique des coutumes païennes sous peine de mort. Beaucoup de Juifs alourdis par la débauche ont apostasié leur foi, mais un petit reste comparable à lʼarmée de Gédéon demeure fidèle à la Loi de Dieu. Plusieurs vont trouver la gloire du martyre dans leur fidélité. Le Livre des Maccabées ou des Martyrs dʼIsraël est donc le livre du témoignage, puisque «martyr» veut dire «témoin». La Vie dʼAmour de notre Maman est également un «martyre», et Raoul Auclair nous a averti que «cette “Vie” sera un jour le Témoignage»:
Le Témoignage, cʼest la fin, et la fin seulement, qui le révélera. Tout alors prendra son sens véritable et sa dimension réelle, imposera sa nécessité et découvrira sa signification. [VA I, 11]
Le Livre des Maccabées raconte essentiellement la résistance de ce petit reste face aux extravagances du dictateur païen Antiochus, en qui la tradition voit une image prophétique de lʼAntéchrist. Le prêtre Mattathias fut le chef de file de la résistance, entouré de ses cinq fils: Jean, Simon, Judas, Éléazar et Jonathan. Judas fils de Mattathias était surnommé Maccabée.[1] Judas Maccabée est sans conteste le personnage le plus illustre et même le personnage central du Livre des Maccabées. Cʼest lui qui prit la relève à la tête de lʼarmée après la mort de son père. Son surnom, Maccabée, sʼest étendu ensuite à ses quatre frères, et de manière plus générale encore, à tous les combattants et les martyrs de la foi de cette période.[2] Judas Maccabée mourra glorieusement au combat, tandis que dʼautres périront sous la torture sans broncher, pour avoir conservé intacte leur fidélité à Dieu.
Particulièrement célèbre est le martyre des sept frères (2 M 7), lʼun après lʼautre, sous les yeux de leur valeureuse mère. On ne connaît pas leur nom. Ils ont témoigné de la foi en la résurrection, 200 ans avant la Résurrection du Christ. Et voici ce que rapporte le Livre des Maccabées à propos de leur mère:
20Éminemment admirable et digne dʼune illustre mémoire fut la mère qui, voyant mourir ses sept fils dans lʼespace dʼun seul jour, le supporta courageusement en vertu des espérances quʼelle plaçait dans le Seigneur. 21Elle exhortait chacun dʼeux, dans la langue de ses pères, et, remplie de nobles sentiments, elle animait dʼun mâle courage son raisonnement de femme. Elle leur disait: 22«Je ne sais comment vous avez apparu dans mes entrailles; ce nʼest pas moi qui vous ai gratifiés de lʼesprit et de la vie; ce nʼest pas moi qui ai organisé les éléments qui composent chacun de vous. 23Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à lʼorigine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et lʼesprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour lʼamour de ses lois.» [2 M 7, 20-23]
Quand vint le tour de son dernier et plus jeune fils, elle lui a dit entre autres:
Ne crains pas ce bourreau, mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde. [2 M 7, 29]
Finalement, «la mère mourut la dernière, après ses fils» (2 M 7, 41), dont je vous ai épargné la description du martyre. Jʼaimerais aussi souligner le courage de nombreuses femmes qui avaient fait circoncire leurs enfants suivant la Loi, comme le fera plus tard la Vierge Marie pour lʼEnfant Jésus. Certaines dʼentre elles furent promenées à travers la ville, leurs nourrissons suspendus à leur cou et parfois même à leurs mamelles, avant dʼêtre mises à mort, par exemple en étant précipitées du haut des remparts (1 M 1, 60-61; 2 M 6, 10).
Vous me direz maintenant: quel est le rapport avec la commémoration des fidèles défunts, ou encore la dédicace de la basilique du Latran, ou celle des autres basiliques majeures?
Dʼabord, cʼest dans le Livre des Maccabées quʼapparaît pour la première fois la prière pour les morts, une prière que nous intensifions durant le mois de novembre. Judas Maccabée demanda que lʼon fasse des prières et des sacrifices pour les soldats qui moururent au combat, ayant commis quelque péché contre le Seigneur (2 M 12, 38-45). Nous aussi, nous prions pour nos défunts qui doivent passer par les différents purgatoires du monde psychique, parce que justement, comme Judas Maccabée et ses compagnons déjà, nous croyons dans lʼAu-delà et dans la Résurrection.
Permettez-moi ensuite de vous partager la chance que jʼai eue, lors de mes études à Rome, de visiter plusieurs fois Saint-Jean-de-Latran, de même que Saint-Pierre-du-Vatican, Saint-Paul-hors-les-Murs et Sainte-Marie-Majeure, pour ne mentionner que les quatre grandes basiliques de Rome. La basilique du Latran est dédiée au Très Saint Sauveur. Elle est lʼéglise-cathédrale de lʼévêque de Rome, cʼest-à-dire le Pape. À ce titre, elle est considérée comme «la mère et la tête de toutes les églises de la ville et du monde» («omnium urbis et orbis ecclesiarum mater et caput»). Elle est mieux connue sous le nom de Saint-Jean-de-Latran, nom qui est en fait celui de son baptistère situé à côté, selon le double vocable de saint Jean Baptiste et saint Jean lʼÉvangéliste.
Jʼai le goût de vous poser la question: pourquoi, et ceci va nous permettre de faire le lien avec les Maccabées, pourquoi commémore-t-on un temple de pierre?
Tout simplement, parce que Dieu veut habiter au milieu de nous. Il veut habiter dans les temples de pierre de nos communautés, mais plus encore dans les temples de chair de nos personnes. Commémorer un temple de pierre, cʼest rappeler que nous devons être nous-mêmes les temples vivants de la Divinité. Il y a en nous un point central, que lʼon appelle le «coeur du coeur», où lʼEsprit de la Quinternité est présent. Ce sanctuaire le plus intime, ce «saints des saints», est entouré dʼune triple enceinte ou muraille physique, psychique et spirituelle. Saint Paul le dit bien:
9Vous êtes la maison que Dieu construit. /…/ 16Nʼoubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que lʼEsprit de Dieu habite en vous. 17Si quelquʼun détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, cʼest vous. [1 Co 3, 9.16-17]
Lʼamour ardent pour le temple de Dieu, tel était le feu qui dévorait le coeur de Mattathias (1 M 2, 24-27) et de ses fils, comme de tous les Maccabées spirituels du monde, y compris lʼapôtre saint Paul, et jusquʼà notre Seigneur Jésus lui-même, le Suprême Combattant et le Suprême Martyr. Ce ne sont pas les banales armées impériales de César que Jésus est venu combattre, ce sont les Principautés, les Puissances et les Seigneuries (Ep 1, 21; Col 1, 16) de Lucifer lui-même en personne. Sʼil faut rendre à César ce qui est à César, il faut dʼabord et surtout rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et la monnaie de César, cet argent si souvent trompeur dont on a fait le dieu Mammon, nʼa pas sa place dans le temple de Dieu. Lʼardente et sainte colère du Fils de Dieu dans le Temple de Jérusalem devait être hyper-impressionnante! Personne, mieux que lui, ne peut sʼappliquer cette parole de lʼÉcriture:
«Lʼamour de ta maison fera mon tourment.»
[Jn 2, 17; Ps 69[68], 10]
Le coeur du Livre des Maccabées, cʼest le combat pour redonner à Dieu sa suprématie, Dieu étant le premier servi.[3] Comme dit le Livre:
Lʼinquiétude au sujet des femmes, des enfants, des frères et des proches se réduisait à peu de chose, tandis que la plus grande et la première des craintes était pour le Temple consacré. [2 M 15, 18]
Et voici quelques versets dʼun psaume (Ps 84[83], 2-3.5-6.8.11):
2De quel amour sont aimées tes demeures, Seigneur, Dieu de lʼunivers!
3Mon âme sʼépuise à désirer les parvis du Seigneur;
mon coeur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant!
/…/
5Heureux les habitants de ta maison: ils pourront te chanter encore!
6Heureux les hommes dont tu es la force: des chemins sʼouvrent dans leur coeur!
/…/
8Ils vont de hauteur en hauteur, ils se présentent devant Dieu à Sion.
/…/
11Oui, un jour dans tes parvis en vaut plus que mille.
Jʼai choisi de me tenir sur le seuil, dans la maison de mon Dieu,
plutôt que dʼhabiter parmi les infidèles.
Mes très chers compagnons et compagnes dʼarmes, faisons nôtre cet amour brûlant et dévorant pour le temple de Dieu. Soyons toujours spirituellement prêts à donner nos vies (1 M 2, 50), dans nos devoirs dʼétat et nos devoirs religieux, selon lʼexemple de Vie dʼAmour. Nʼayons pas peur des dictateurs-profanateurs de ce monde, dussent-ils sʼappeler Antiochus Épiphane, Hitler ou Staline. Ils auront beau violer et détruire le temple de notre corps, ils nʼatteindront jamais le sanctuaire sacro-saint de notre conscience, ce coeur de notre coeur où Dieu et lʼImmaculée habitent avec nous. Quʼils le détruisent, ce temple, lʼEsprit qui est en nous, et qui est notre bouclier, le ressuscitera! Évidemment, tous ne sont pas appelés au martyre physique,[4] même si le XXe siècle est particulière riche à cet égard, et même encore maintenant (je pense par exemple aux chrétiens qui vivent au Moyen-Orient, en Inde et au Pakistan, dont on nʼentend presque jamais parler dans les médias).[5] Mais nos épreuves morales et spirituelles, nos nuits de lʼâme, constituent une autre forme de martyre, beaucoup plus subtile, qui nous consume dʼamour à petit feu. Saint Raoul-Marie, pénétré de la Sainte Écriture, entrevoyait les jours où lʼAntéchrist tenterait dʼabolir le Sacrifice eucharistique au profit de lʼultime Abomination de la Désolation. Quoi quʼil arrive, nous sommes et nous serons les Chevaliers des Trois Blancheurs, et donc de lʼEucharistie, dont le mystère est perpétuellement et précieusement gardé, adoré et chéri dans la chapelle de Spiri-Maria, ce Coeur du Coeur de notre Père céleste sur la terre. Grâce à lʼEsprit Véritable, nous serons prêts à mourir, et peu importe le genre de mort, pour défendre notre Rédempteur et notre Co-Rédemptrice, indissolublement unis et présents dans lʼHostie.[6] Soyons comme les sept frères du Livre des Maccabées, qui ont embrassé le martyre en compagnie de leur douloureuse mère, en qui nous pouvons voir une image de Mère Paul-Marie. Continuons avec elle ce martyre quotidien de notre réforme intérieure, qui consiste à laver sans cesse nos robes dans le Sang de lʼAgneau, les rendant plus blanches que la neige, sachant que la palme de la victoire en vaut le prix.
En ce jour où nous commémorons les fidèles défunts et où nous prions pour eux, et dans lʼattente de la construction un jour de la grande basilique de la Dame de tous les Peuples qui surpassera les grandes basiliques majeures de la ville de Rome, écoutons de nouveau la Voix céleste:
«Enfant de lʼhomme, je tʼai fait vivre les temps des temps. On y vit de nouveau en plein milieu. Considère et comprends-moi bien. Cʼest maintenant que viennent les Maccabées!»
«Les Maccabées! Les Maccabées!»
«Lisez les Maccabées!…
Lisez les Maccabées!…
Lisez les Maccabées!…»[7]
Notes
[1]Selon une étymologie probable, «maccabée» dériverait dʼun mot signifiant «marteau»: Judas Maccabée = Judas «le Marteau», en raison de sa férocité au combat. Certains ont avancé lʼhypothèse dʼun acronyme de Ex 15, 11 («Qui est comme toi parmi les dieux, Yahvé?»), que lʼon pourrait peut-être rapprocher du nom de lʼarchange saint Michel (Mikaël), le grand capitaine du Combat eschatologique.
[2]Le nombre important de morts chez ces héros explique que le terme «macchabée» entra dans le registre familier de la langue avec la signification de «cadavre».
[3]Les événements racontés dans le Livre des Maccabées, et qui ont conduit après les premières victoires de Judas Maccabée à la purification et à la nouvelle consécration du Temple de Jérusalem (164 av. J.-C.), sont commémorés lors de la fête juive de la Hanoukka («dédicace», «consécration»). Cette fête se célèbre pendant huit jours, à partir du 25 Kisleu (entre la fin novembre et la fin décembre). Elle est aussi appelée fête des Lumières, en raison du candélabre à huit branches sur lequel on allume une chandelle à chaque jour. On peut la rapprocher, sur le plan symbolique et en raison de sa proximité temporelle, de la fête de Noël (25 décembre) et de celle de la Circoncision de Jésus huit jours plus tard (1er janvier, fête de sainte Marie, Mère de Dieu). La circoncision avait été interdite par le pouvoir séleucide, lequel condamna à mort les mères (et leurs familles) qui avaient outrepassé cette interdiction.
En 2013, la fête de la Hanoukka débutera le 28 novembre (plus précisément le 27 la veille au soir) et se conclura le 5 décembre. Il est peu fréquent que la Hanoukka débute en novembre [1994, 2002], et il y a ceci de particulier cette année [2013] que le 28 novembre coïncidera avec le «Thanksgiving» aux États-Unis. Cʼest la deuxième fois seulement que cette coïncidence se produit (la première ayant eu lieu en 1888), depuis que le «Thanksgiving» a été déclaré jour de fête nationale par le président Abraham Lincoln (en 1863). La coïncidence Hanoukka et «Thanksgiving» a été désignée par lʼexpression «Thanksgivukkah», et ne se reproduirait pas avant plus de 75 000 ans.
[4]Ou au combat physique.
[5]On peut penser aussi à nos soldats qui défendent les valeurs de la civilisation occidentale.
[6]Dans la consécration à Marie-Paule nous disons: «Que jamais je nʼoublie que tu seras toujours avec moi surtout sʼil mʼest offert un jour de te faire le sacrifice de ma vie.»
[7]Ces messages tirés des Expériences eucharistiques dʼIda Peerdeman (pp. 101-102, 104) ont été brièvement commentés par Pierre Bernier dans lʼarticle «Elle vient comme “Co-Rédemptrice, médiatrice et avocate”» (Le Royaume, n. 145, septembre-octobre 2000, p. 22) [LR-145].
Je viens de lire l’Heure du Témoignage, Merci Père David pour le texte, profonde méditation A nous de suivre et de dire oui
Jacqueline
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