Le présent texte fut d’abord prononcé comme homélie à Montréal, lors de la réunion trimestrielle des Oblats-Patriotes, le samedi 2 octobre 2010, en la fête des saints Anges Gardiens, il y a exactement dix ans en ce jour. Je l’ai ensuite repris comme conférence à Calgary en Alberta (le dimanche 18 septembre 2011) et Niverville au Manitoba (le dimanche 20 novembre 2011), lors de mes voyages apostoliques dans l’Ouest canadien auprès des membres de l’Oeuvre de la Dame.
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Un des symptômes de notre vitalité spirituelle et mystique, c’est notre dévotion aux anges, et en particulier à notre ange gardien. J’ai d’ailleurs demandé à mon ange gardien de m’aider à composer la présente homélie.
Le mot «ange» signifie «messager». L’une des fonctions majeures des anges, c’est d’établir la communication entre le Ciel et la Terre. Les anges sont des envoyés de Dieu, avec pour mission de nous transmettre ses volontés (VA X, 282-283). Mais la communication ne se fait pas à sens unique. Nous pouvons également transmettre nos messages par l’intermédiaire de nos bons anges, comme on le voit dans Vie d’Amour. Dans un chapitre sur Padre Pio, tiré du volume II, Marie-Paule apprend qu’il est possible de présenter nos demandes au célèbre prêtre stigmatisé, en passant par nos anges gardiens (à noter que Padre Pio est toujours vivant à ce moment-là). Écoutons-la:
Depuis ce temps, mon bon ange gardien porte souvent des messages, non seulement au Père Pio avec qui nous nous associons depuis longtemps à notre messe quotidienne, mais aussi à mes chers disparus, dont l’âme de mon père, lequel reçoit souvent comme message d’aller auprès de la Trinité et de Maman Marie porter tout notre amour, notre reconnaissance au nom des enfants de la terre, spécialement de l’humble petite Marie, sa fille aînée. Comme il fait bon vivre ainsi en communication avec le Ciel! Et comme c’est merveilleux! [VA II, 537; cf. VA III, 37-38][1]
Entre tous les anges, c’est l’archange saint Gabriel qui fut élu pour annoncer la plus formidable, la plus longuement attendue et, disons-le, la plus sensationnelle de toutes les nouvelles: celle de la naissance de Jésus, le Sauveur. C’est lui qui annonça à l’humble Vierge de Nazareth qu’elle serait enceinte par la puissance du Très-Haut (Lc 1, 26-38). C’est encore Gabriel qui annonça à Zacharie la naissance de Jean, le Précurseur (Lc 1, 5-25). C’est probablement lui toujours qui demanda à Joseph de prendre sans crainte chez lui Marie comme épouse (Mt 1, 20-25) et qui lui ordonna par la suite de fuir en Égypte avec l’enfant et sa mère (Mt 2, 13-23). Dans l’Ancien Testament, Gabriel est intervenu également auprès du prophète Daniel, l’homme des prédilections (Dn 8, 15-27; Dn 9, 20-27). En 1951, le Pape Pie XII a déclaré l’archange saint Gabriel, patron céleste des télécommunications (ce qui à l’époque comprenait le télégraphe, le téléphone, la radio et la télévision).[2]
Les anges ont aussi une autre fonction très importante: celle d’être nos gardiens et nos protecteurs dans les périls de la vie présente. Ils nous guident et nous instruisent dans le dur labeur de notre réforme intérieure. Immédiatement vient à l’esprit la figure de l’archange saint Michel, «le général, le chef de l’armée des anges» (VA XIII, 51), dont le rôle primordial auprès de Marie-Paule et de l’Armée de Marie n’a pas à être démontré, rôle d’ailleurs prédit dans l’Apocalypse. Mais l’on peut également citer l’archange saint Raphaël, dans l’Ancien Testament, qui délivra et préserva le jeune Tobie et sa fiancée Sarra de l’emprise du démon Asmodée. Durant le combat de sa Passion, Jésus aurait pu obtenir de son Père «plus de douze légions d’anges» (Mt 26, 53) pour venir à son secours. Mais il a accepté d’absorber toute la coupe que le Père lui présentait, ce qui ne l’a pas empêché d’accepter aussi d’être réconforté par un ange lors de l’agonie à Gethsémani (Lc 22, 43), ainsi que lors de la flagellation selon Anne-Catherine Emmerich.
De la Genèse à l’Apocalypse, du début à la fin de chacune de nos existences personnelles, les anges sont là pour nous assister. Mais d’abord et avant tout, les anges sont les serviteurs et les adorateurs de Dieu, dont ils contemplent sans cesse la face.
Dans son livre L’Homme Total dans la Terre Totale (HTTT), saint Raoul Auclair approfondit la différence et la complémentarité (cf. HTTT, p. 274) entre les anges et les hommes.
Précisons bien la différence de l’ange à l’homme: l’ange est un être spirituel, l’homme est un être spirituel ET matériel. [HTTT, p. 416]
En d’autres mots, les anges sont de purs esprits, des créatures purement spirituelles, alors que nous, les hommes, nous sommes aussi corporels.[3] Malgré cette différence, tant les anges que les hommes sont faits à l’image de Dieu (cf. HTTT, p. 420), ce qui les rend en quelque sorte apparentés. Il va sans dire que la nature des anges reste encore bien mystérieuse et tout à découvrir.
[D’ailleurs, à la fin de son livre De Dieu jusqu’à l’Homme et de l’Homme jusqu’à Dieu, Marc Bosquart pose la question des anges et des démons: «Qui sont-ils et que sont-ils? D’où viennent-ils et de “quoi” sont-ils faits?» (p. 279)][4]
Dans son autobiographie, sainte Thérèse d’Avila décrit ainsi l’ange qui intervint lors de la grâce de la transverbération:
Je voyais près de moi, à ma gauche, un ange dans sa forme corporelle, ce qu’il ne m’arrive de voir que très exceptionnellement. Ils m’apparaissent souvent, mais je ne les vois pas, cette vision est comme la première de celles dont j’ai parlé précédemment. Mais il plut au Seigneur de me montrer l’ange sous cette forme. Il n’était pas grand, plutôt petit, d’une grande beauté, son visage très enflammé le désignait comme des plus élevés, qui semblent tout embrasés. Il doit s’agir de ceux qu’on appelle chérubins, car ils ne me disent pas leur nom, mais je vois bien qu’au ciel il y a tant de différence entre certains anges et d’autres, et de ces autres à d’autres encore, que je ne puis rien affirmer.[5]
Raoul considère le monde des anges comme destiné à l’adoration, et le monde des hommes comme destiné à l’amour.[6] Et l’Amour l’emporte sur l’Adoration. Si les anges ont été créés avant les hommes et plus parfaits qu’eux dans un premier temps, il n’en sera pas de même au terme de l’accomplissement. Lorsque nous serons «fils de la résurrection», dans «la vie du monde à venir», nous serons «comme des anges».[7] Raoul va jusqu’à dire que les hommes, désormais recomposés dans l’unité du Corps mystique du Christ Total, formeront «le dixième choeur des anges», ou encore «l’Ange-Homme».[8] Je laisse la parole à Raoul:
Ce serait donc en l’Homme, et non en l’Ange, qu’il faut admirer le chef-d’oeuvre de la Création. Pourquoi? Parce que Dieu voulait que l’Homme fût amour, comme Lui-même en Lui-même est Amour; et qu’ainsi l’Amour de Dieu pût déborder de Dieu. Avec, bien sûr, l’absolue condition de l’échange d’amour, c’est-à-dire que l’amour de la créature retourne au Créateur créant par amour. Et donc, et dans ce but, l’homme fut créé libre, avec tout l’effort qu’il lui faudrait accomplir et tout le danger que cela comporterait.
Un risque pour l’homme, mais aussi pour Dieu Lui-même, qui fut vaincu dans la défaite de l’Homme!
Il ne Lui restait plus que de se faire homme, emprisonnant, annihilant sa Toute-Puissance, dans l’infinie faiblesse de l’homme.
Quant aux anges, conçus en perfection, il ne semble donc pas qu’ils aient été soumis à l’obligation d’aimer, mais à celle d’adorer. Aussi demeurent-ils dans une jubilation de contemplation, mais non dans la fusion de l’amour. [HTTT, p. 419][9]
Le sujet de la différence et de la complémentarité des anges et des hommes est très vaste et déborde largement le cadre d’une simple homélie.[10] Concluons par un verset du psaume que nous avons lu:
Il donne mission à ses anges
de te garder sur tous tes chemins.
Ils te porteront sur leurs mains
pour que ton pied ne heurte les pierres.
[Ps 91[90], 11-12; cf. VA IX, 56-57]
Le diable a rapporté cet extrait à Jésus, pour l’inciter à se jeter en bas du pinacle du Temple (Mt 4, 5-7; Lc 4, 9-12). Mais Jésus a répondu: «Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu.» (Mt 4, 7; Lc 4, 12) Si la Providence de Dieu, par le ministère des anges, nous accompagne constamment, il reste que nous devons apporter notre petite mais pleine collaboration. Cela rejoint la pensée de saint Augustin:
Agis comme si tout dépend de toi, tout en sachant que tout est grâce.[11]
Sur la terre, les anges sont nos frères d’armes; au Ciel, ils seront nos «frères en béatitude» (HTTT, p. 446). N’hésitons pas à recourir à eux en toutes nos nécessités, rendons grâce à Dieu pour leur compagnie, et demandons-leur d’intensifier les liens de notre communion, «sur l’onde incorporelle des esprits». Amen.[12]
L’expression «sur l’onde incorporelle des esprits» provient du passage suivant de L’Évangile tel qu’il m’a été révélé de Maria Valtorta. Il s’agit de paroles de Jésus dans la maison de Lazare et de Marthe, avant la conversion de Marie-Madeleine. Les apôtres et les bergers sont présents. J’ai légèrement modifié la traduction française, afin de la conformer davantage à l’original italien.
La fiamma ha parole di luce. L’amore ha parole di fiamma, e vanno lontano queste parole, sull’onda incorporea degli spiriti che si trovano sempre, oltre monti e mari, e portano baci e benedizioni… Tutto portano. Non è forse vero? [L’Evangelo come mi è stato rivelato, tomo 2, p. 387]
La flamme a des paroles lumineuses. L’amour a des paroles enflammées, et elles vont loin ces paroles, sur l’onde incorporelle des esprits qui se retrouvent toujours, au-delà des monts et des mers, et elles apportent baisers et bénédictions… Elles apportent tout. N’est-il pas vrai? [L’Évangile tel qu’il m’a été révélé, tome 2, p. 617]
Notes
[1]La bienheureuse Anne-Catherine Emmerich usait beaucoup de cette pratique de communiquer par l’intermédiaire des anges gardiens. Cf. La Douloureuse Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, selon la traduction d’Edmond de Cazalès, chapitre LIV («La compassion de Jonadab envers le Sauveur est récompensée»).
Selon Vie d’Amour, les anges gardiens porteraient le prénom de leur protégé (VA X, 140).
[2]Lettre apostolique du 12 janvier 1951: AAS 44 (1952), pp. 216-217 (citée dans la lettre encyclique Miranda prorsus, sur le cinéma, la radio et la télévision, du 8 septembre 1957).
[3]Cf. Catéchisme de l’Église catholique, nn. 328-330; DS 455, 1078, 3607. Tout en étant de nature spirituelle, «les esprits célestes ont le pouvoir de manoeuvrer sur la matière et sur le corporel» (VA XII, 201).
[4]Dans son article intitulé «Le Paradis Terrestre, selon Anne-Catherine Emmerich» (Marie, n. 25, février 1979, p. 11) [M-25], Raoul Auclair affirme:
Mais au-delà de ce triple monde terrestre — de ce monde de l’Homme — il y a le monde du quatrième Élément: le FEU; lequel Élément, hétérogène aux trois autres, n’est pas une forme ni un degré de subtilité de la matière, mais le monde divin et des purs esprits.
Voici une référence de Mère Paul-Marie qui semble confirmer le caractère «pur esprit» des anges:
Par contre, nous avons en nous un germe d’éternité, ce point d’or de la divinité, situé dans «le coeur du coeur» d’où surgissent les inspirations angéliques ou divines, nos élans d’amour et de bienfaisance qui nous invitent au dépassement et à l’intimité divine. [«La vie de l’âme, quelle splendeur!» (Le Royaume, n. 106, juillet-août 1995, p. 3)] [LR-106]
Dans Vie d’Amour, il est intéressant de noter l’association par le Ciel du mot «MÉTALLIQUE» aux anges, pour décrire leur façon de s’exprimer; par la suite, le Ciel précisera que ce mot veut dire «UN SON MUSICAL»: VA X, 138-142; VA X, 149.
[5]Autobiographie, ch. XXIX, par. 13: Oeuvres complètes, (traduction de Marcelle Auclair) Bruges, Desclée de Brouwer, 1964, p. 207.
[6]Cf. HTTT, pp. 418, 421-422, 430, 523.
[7]Mt 22, 30; Mc 12, 25; Lc 20, 36.
[8]Cf. HTTT, pp. 182, 407, 412-413; La Fin des Temps, pp. 154-155; Histoire et Prophétie, pp. 155, 157, 170. Raoul parle aussi de «plérôme angélique» (La Fin des Temps, p. 82; Histoire et Prophétie, p. 155) et de «stabilité angélique» (Le Crépuscule des Nations, p. 282; La Fin des Temps, pp. 228, 288).
[9]Sur la destination des anges à l’adoration et non à l’amour, il conviendrait peut-être d’apporter certaines nuances, à la lumière par exemple de ce passage de Vie d’Amour où Marie-Paule dit à l’ange saint Michel: «Toi, l’ange, je t’aime», et où elle se voit répondre par ce dernier: «MOI AUSSI, JE T’AIME BEAUCOUP.» (VA XIII, 83-84; cf. VA XIII, 65) Il s’agit du langage de «l’ultra-terrestre», qui se situe au-delà des sentiments humains. D’un autre côté, le passage suivant de Vie d’Amour semble confirmer Raoul:
Quelle différence toutefois avec la perception de Jésus et de Marie ou des âmes! Leur présence nous frôle et nous pénètre même. L’Ange reste à distance. Il est si digne, si respectueux, dans une attitude de vénération qu’il maintient dans le silence. [VA X, 139]
[10]Dans les deux premiers chapitres de la Lettre aux Hébreux (He 1-2), l’auteur sacré affirme la supériorité du Fils, et donc des hommes qui lui sont unis, par rapport aux anges. En effet, Dieu s’est fait homme, et non pas ange. He 1, 5 exclut la possibilité pour les anges d’être appelés «fils», quoique He 12, 9 appelle Dieu le «Père des esprits». Cf. ces quelques autres références tirées de Vie d’Amour: VA XIII, 326; VA XIV, 13.
[11]Cité par Walter Vogels, David et son histoire, Montréal, Médiaspaul, 2003, p. 268. On trouve une variante de cette phrase dans l’exhortation apostolique Vita consecrata de Jean-Paul II (25 mars 1996):
Il faut faire confiance à Dieu comme si tout dépendait de lui et, en même temps, s’engager avec générosité comme si tout dépendait de nous. [n. 73]
[12]Voici une dernière référence concernant les créatures angéliques, qu’il me plaît d’offrir en conclusion: il s’agit des six audiences générales que le Pape Jean-Paul II leur a consacrées, les 9, 23 et 30 juillet, de même que les 6, 13 et 20 août, de l’année 1986.
Salut P. David! Vraiment intéressant ! Pauvre ange gardien… Je ne pense pas souvent à lui. Difficile de vivre dans le tourbillon de la vie! J’ai un si bon allié. Je m’efforcerai d’avoir recours à lui quotidiennement ! Ton article est un rappel qui m’interpelle. Merci! Bonne journée automnale ! Isabelle
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Merci P. David pour ce beau texte sur les anges, c’est vrai que, outre une petite prière quotidienne, on y pense pas assez, belle synthèse, merci !
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Une très belle réflexion sur nos amis les anges, ces protecteurs que le Ciel nous donne à chacun de nous pour nous guider et nous inspirer dans notre montée vers Dieu. Merci P. David.
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Etant jeune ma mere nous faisait dire notre priere a notre Ange Guardien a tout les soirs et aujourd;hui je suis coupable de néfliger de la faire, merci Pere David de nous rappeler que les Anges sont dans notre vie encore aujourd’hui pour nous protéger et nous guider ! Merci de tout coeur !
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Merci, P. David, de faire part de cette homélie sur les anges. Ce beau texte ravive ma dévotion envers eux et, il en enrichi la connaissance de ce que j’avais de ces merveilleux protecteurs et messagers. Je m’en réjouis! Mes salutations P. David! Liette
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Merci pour ce texte très beaux sur les anges, qui nous aide à mieux les connaître. Voilà un autre article intéressant sur les anges : https://sagessechretienne.fr/2021/02/17/nos-amis-les-anges/
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Merci beaucoup de votre commentaire. J’ai lu avec intérêt le texte sur les anges que vous avez proposé. Que les anges de Dieu nous accompagnent!
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