Le premier voyage missionnaire (Ac 13-14)

[Dans le Palais apostolique du Vatican, se trouvent diverses chapelles. La plus grande et la plus connue est la chapelle Sixtine, construite à la demande du Pape Sixte IV sur les ruines de l’ancienne «Cappella Magna» («grande chapelle»). Les conclaves se déroulent dans cette chapelle, devant la fresque du Jugement dernier, peinte sur le mur de l’autel par Michel-Ange, également le créateur des fresques de la voûte. Contiguë à la chapelle Sixtine, la chapelle Pauline fut édifiée pendant le pontificat du Pape Paul III, sur les fondations de la «Cappella Parva» («petite chapelle»). Cette seconde chapelle abrite deux autres fresques de Michel-Ange: la Conversion de saint Paul (paroi de gauche) et le Martyre de saint Pierre (paroi de droite). L’image à la une de cet article expose la fresque dédiée à la conversion de l’Apôtre des Nations, par le célèbre peintre italien de la Renaissance.]

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Le Christ fut la liberté vivante. Cette liberté, Il la laissa aussi à Ses apôtres ainsi qu’à tous ceux qu’Il appelait pour leur apprendre le langage des cieux en des formules nouvelles. Et c’est précisément pour leur avoir parlé de la Vie divine, de la Trinité, de Dieu Son Père, des prémices de l’Eucharistie, etc., qu’Il fut massacré, cloué à la Croix comme le dernier des scélérats, sur l’ordre de ceux qui Le rejetaient du haut de leur savoir.

Cette liberté est aussi la nôtre. Qu’on n’attende pas d’être jeté en bas de son cheval, comme le fut le fougueux Saul de Tarse qui croyait faire oeuvre de Dieu en combattant les premiers chrétiens! Heureusement, Dieu lui ouvrit les yeux et Saul devint le grand saint Paul dont la vie est toujours exemplaire et les écrits encore actuels après deux mille ans d’histoire.[1]

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Détail de la «Conversion de saint Paul» de Michel-Ange

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J’entame ici le premier voyage missionnaire de Paul. Mon optique n’est pas d’analyser les voyages missionnaires en profondeur dans leurs moindres détails, mais simplement de souligner quelques aspects, et si possible d’établir des liens avec tel ou tel passage des écrits de la bienheureuse Anne-Catherine Emmerich ou de Maria Valtorta, ou encore de ma Fondatrice Marie-Paule, ou d’autres écrits jugés pertinents (cf. bibliographie).

Voici l’itinéraire du premier voyage, en respectant l’ordre de mention des lieux visités, selon les Actes des Apôtres. Je mets entre parenthèses le nom de la province romaine correspondant à la ville citée. À l’époque néo-testamentaire, la Pisidie et la Lycaonie étaient incluses dans le territoire de la Galatie. L’ensemble de ce voyage se déroule dans le territoire de la Turquie actuelle, à l’exception des séjours à Salamine et à Paphos, sur l’île de Chypre.

  • Antioche (capitale de la Syrie)
  • Séleucie (Syrie)
  • Salamine (île de Chypre)
  • Paphos (île de Chypre)
  • Pergé (capitale de la Pamphylie)
  • Antioche (capitale de la Pisidie) [1er discours de Paul: aux Juifs (Ac 13, 16-41)]
  • Iconium (capitale de la Lycaonie) [«assez longtemps» (Ac 14, 3)]
  • Lystres (Lycaonie)
  • Derbé (Lycaonie)
  • Lystres (Lycaonie)
  • Iconium (capitale de la Lycaonie)
  • Antioche (capitale de la Pisidie)
  • Pergé (capitale de la Pamphylie)
  • Attalie (Pamphylie)
  • Antioche (capitale de la Syrie) [«assez longtemps» (Ac 14, 28)]

Sources des cartes: christus.fr et conformingtojesus.com

Sous l’impulsion de l’Esprit Saint, Barnabé et Paul furent mis à part pour la mission que Dieu leur a réservée. Ils reçurent alors l’imposition des mains (Ac 13, 3), que certains considèrent comme leur ordination sacerdotale; pour d’autres, il s’agit seulement d’un geste d’envoi missionnaire, Paul et Barnabé ayant, dans ce cas, été ordonnés prêtres antérieurement. Dans la vision du 29 février 1944 de Maria Valtorta, nous avons vu que Paul a célébré la messe dans la prison du Tullianum (cf. l’article «Le Paul, c’est toi!»).

À partir de Paphos sur l’île de Chypre (Ac 13, 9), le nom de Saul (hébreu) devient Paul (latin) pour le restant des Actes des Apôtres, de manière à faciliter, peut-être, les contacts de plus en plus fréquents de l’apôtre avec un auditoire principalement composé de païens. À Paphos, Paul confronte Élymas le magicien et initie le proconsul Sergius Paulus à la foi.[2]

Dans ses visions, Anne-Catherine Emmerich raconte un voyage de Jésus sur l’île de Chypre.[3] Barnabé, originaire lui-même de Chypre (Ac 4, 36), figurait parmi les apôtres et disciples qui accompagnèrent le Seigneur.

Dans le livre Vie de N.S. Jésus-Christ (tome 5), on indique le but du voyage de Jésus sur l’île de Chypre: le Seigneur y convertit «environ cinq cents personnes, juifs et païens» (p. 72), «cinq cents soixante-dix», est-il précisé un peu plus loin (p. 78; cf. p. 143). Dans une parabole, Jésus compara cette conquête à un maître pécheur qui sauva cinq cents soixante-dix bons poissons, en les transportant à grand-peine dans une eau plus pure (cf. 157-158, 190), un travail suffisamment payé par une telle capture.[4] Les 570 convertis suivirent le Sauveur en Palestine. L’introduction du tome 5 apporte quelques explications relatives à ce voyage en Chypre, non mentionné dans le Nouveau Testament (pp. 13-17). On y apprend que l’établissement palestinien des convertis chypriotes donna naissance à la ville d’Éleuthéropolis (p. 15; cf. pp. 196, 201-202).[5] Un lien est fait (p. 16) avec le passage des Actes des Apôtres où il est dit, concernant les débuts de l’Église d’Antioche, que quelques Chypriotes et Cyrénéens «s’adressaient aussi aux Grecs, leur annonçant la Bonne Nouvelle du Seigneur Jésus» (Ac 11, 20).

Voici un passage tiré du livre des Visions concernant le voyage de Jésus sur l’île de Chypre:

J’ai été très affligée de voir que tant de peines que Jésus s’était données dans l’île de Chypre avaient produit si peu de résultats, en sorte que, comme disait le Pèlerin [Clemens Brentano], ce voyage n’est mentionné ni dans l’Écriture ni ailleurs, et qu’il n’est pas même dit que Paul et Barnabé y aient eu beaucoup de succès. J’ai eu à ce sujet une vision dont je me rappelle ce qui suit. J’ai vu que la pécheresse Mercuria ne tarda pas à suivre Jésus avec ses enfants, et qu’elle emporta avec elle de grandes richesses. Je l’ai vue au milieu des saintes femmes, et plus tard, lorsque les premières communautés chrétiennes s’établirent depuis Ophel jusqu’à Béthanie, sous la direction des diacres, elle les seconda par ses largesses.

Lorsqu’après le départ de Jésus beaucoup de païens et de Juifs émigrèrent en Palestine, emportant tous leurs biens mobiliers, et aliénant peu à peu leurs biens-fonds, des parents n’ayant pas les mêmes sentiments et se regardant comme lésés, éclatèrent en plaintes. On décria Jésus comme un imposteur; les Juifs et les païens firent cause commune; il fut défendu de parler de lui. On emprisonna et l’on flagella un grand nombre de personnes. Les prêtres païens tourmentèrent leurs coreligionnaires et les forcèrent à sacrifier. Le gouverneur qui avait reçu Jésus fut rappelé à Rome et destitué; des soldats romains occupèrent même tous les ports pour empêcher les embarquements. Après le crucifiement du Sauveur, son souvenir s’effaça complètement; on parla de lui comme d’un rebelle et d’un traître; ceux qui avaient conservé quelque foi la perdirent et rougirent bientôt de lui. Douze ans plus tard, Paul et Barnabé ne trouvèrent aucune trace de son passage; ils ne firent pas un long séjour à Chypre, mais ils emmenèrent plusieurs personnes avec eux.[6]

«Douze ans plus tard» (après le passage de Jésus lors de la troisième année de sa vie publique): pourrions-nous alors faire débuter le premier voyage missionnaire de Paul en l’an 44?

«Jean, surnommé Marc» (Ac 12, 25) était du voyage avec Paul et Barnabé (Ac 13, 5). L’apôtre Pierre, après sa délivrance miraculeuse, s’était rendu «à la maison de Marie, mère de Jean, surnommé Marc» (Ac 12, 12), où se réunissaient les disciples. À Pergé, Jean-Marc décida de quitter Paul et Barnabé pour retourner à Jérusalem (Ac 13, 13). Marc était le cousin de Barnabé (Col 4, 10). Il deviendra l’un des quatre évangélistes, «le premier Vivant», dans l’Apocalypse, qui «est comme un lion» (Ap 4, 7). Il sera également le fondateur et le premier évêque de l’Église d’Alexandrie, en Égypte.

Poursuivant vers Antioche de Pisidie (à ne pas confondre avec Antioche de Syrie), Paul et Barnabé s’adressèrent d’abord aux Juifs. Voyant la grande influence des deux apôtres sur la foule, «les Juifs furent remplis de jalousie» (Ac 13, 45) et suscitèrent une persécution contre eux. Secouant la poussière de leurs pieds, Paul et Barnabé dirent aux Juifs:

«C’était à vous d’abord qu’il fallait annoncer la parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien! nous nous tournons vers les païens.» [Ac 13, 46]

À Iconium, beaucoup de Juifs et de Grecs (païens) adhéraient à la foi, mais d’autres se préparaient à maltraiter et à lapider Paul et Barnabé. Ceux-ci cherchèrent refuge ailleurs dans la Lycaonie. C’est à Lystres que Paul guérit un impotent.

11À la vue de ce que Paul venait de faire, la foule s’écria, en lycaonien: «Les dieux, sous forme humaine, sont descendus parmi nous!» 12Ils appelaient Barnabé Zeus et Paul Hermès, puisque c’était lui qui portait la parole. [Ac 14, 11-12]

Ayant appris que les Lystriens se préparaient à leur offrir un sacrifice comme à des dieux, Barnabé et Paul, à grand-peine, les en dissuadèrent par ces paroles:

15«Amis, que faites-vous là? Nous aussi, nous sommes des hommes, soumis au même sort que vous, des hommes qui vous annoncent d’abandonner toutes ces vaines idoles pour vous tourner vers le Dieu vivant qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve. 16Dans les générations passées, il a laissé toutes les nations suivre leurs voies; 17il n’a pas manqué pour autant de se rendre témoignage par ses bienfaits, vous dispensant du ciel pluies et saisons fertiles, rassasiant vos coeurs de nourriture et de félicité…» [Ac 14, 15-17]

[Les dieux grecs Zeus et Hermès correspondent aux dieux romains Jupiter et Mercure. Hermès-Mercure est né de l’union de Zeus-Jupiter et de Maïa, l’une des sept Pléiades et soeur d’Électre (celle-ci a été mentionnée dans l’article «Le souci de toutes les Églises!»). Selon Les Métamorphoses d’Ovide, Zeus, le père des dieux, et Hermès, son messager et porte-parole, visitèrent la terre sous forme humaine. Partout, l’hospitalité leur était refusée, à l’exception d’un vieux couple, Philémon et Baucis, qui accueillirent les célestes visiteurs dans leur humble chaumière. Pour les récompenser, Zeus exauça leur voeu de vivre encore longtemps ensemble et de mourir ensemble le même jour. Au moment du trépas, la légende raconte que Philémon fut transformé en chêne et Baucis en tilleul, entrelaçant pour toujours leur feuillage et leur destinée. Les habitants de Lystres, face à la guérison miraculeuse de l’impotent, ont l’impression de recevoir la visite de Zeus et Hermès sous les traits de Barnabé et Paul.]

Les Juifs d’Antioche de Pisidie et ceux d’Iconium vinrent à Lystres et montèrent les foules contre Paul et Barnabé. Paul fut même lapidé, traîné hors de la ville et laissé pour mort (Ac 14, 19). Poursuivant leur mission, les deux compagnons apostoliques évangélisaient et encourageaient les disciples à persévérer dans la foi, désignant pour chaque Église des anciens qu’ils confièrent à la grâce de Dieu.

24Traversant alors la Pisidie, ils gagnèrent la Pamphylie. 25Puis, après avoir annoncé la parole à Pergé, ils descendirent à Attalie; 26de là ils firent voile vers Antioche [de Syrie], d’où ils étaient partis, recommandés à la grâce de Dieu pour l’oeuvre qu’ils venaient d’accomplir. 27À leur arrivée, ils réunirent l’Église et se mirent à rapporter tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi. 28Ils demeurèrent ensuite assez longtemps avec les disciples. [Ac 14, 24-28]

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Concluons ce premier texte sur les voyages missionnaires de saint Paul par une réflexion intéressante de ma Fondatrice. Dans le volume III de Vie d’Amour, au chapitre 44 intitulé «Profondeurs de la nuit de l’esprit», Marie-Paule expose les exigences de «perfection dans l’apostolat», exigences qui peuvent se résumer par une grande CHARITÉ et un profond AMOUR, cultivé par une réforme intérieure constante et buriné au feu des purifications passives conduisant à la «vie illuminative» et à la «vie unitive».

Je pense à tous les mouvements, tant apostoliques que sociaux, qui foisonnent dans notre monde. Dans l’ensemble, si l’esprit est bon, l’exercice de la charité est profitable, il va sans dire.

Mais il est un apostolat plus délicat, et non le moindre, qui s’exerce au niveau spirituel afin de secourir les âmes, ou même au niveau de l’évangélisation en pays de mission. Que d’erreurs sont faites, et quasi irréparables! On ne doit pas inciter quelqu’un à nous suivre dans tel mouvement; on ne doit pas contrôler ses actions comme si nous en étions responsables.

Nous devons être «CHARITÉ» et «AMOUR». Par le fait même, l’intérêt est suscité chez les autres qui s’intéressent à notre mode de vie et s’informent sur notre façon d’être pour en acquérir la même paix et la joie sereine, désirant s’engager à leur tour sur cette voie merveilleuse.

Je me souviens avoir lu, un jour, dans un livre intitulé: Chercheurs de Dieu, écrit par un converti:

«Dieu est une expérience personnelle, tellement personnelle qu’elle ne peut servir à d’autres et je comprends maintenant pourquoi les gens qui cherchent à vous convertir sont exaspérants…»

Voilà pourquoi ceux qui vivent de Dieu doivent être, avant tout, un témoignage vivant de Sa Parole évangélique. Telle est la perfection dans l’apostolat et cela rejoint l’appel lancé par le Saint-Père, le Pape Paul VI, dans son message (août 1968) sur l’homme idéal et parfait. [VA III, 286-287; souligné dans le texte; cf. VA III, 14-15]


Notes

[1]Mère Paul-Marie, «Et pourtant, ils sont DEUX» (Le Royaume, n. 149, mai-juin 2001, p. 1 [LR-149]; souligné dans le texte.

[2]L’apôtre Pierre, de son côté, avait été confronté à Simon le magicien (Ac 8, 9-25); il a aussi initié à la foi le centurion Corneille (Ac 10). L’une des structures principales des Actes des Apôtres est la mise en parallèle des apôtres Pierre et Paul.

[3]Dans le tome 2 des Visions (troisième année), ce voyage couvre les chapitres XII à XXIV (pp. 392-471) [édition 2013: pp. 334-398].

[4]Cf. également: Visions, tome 2, troisième année, chapitre XXIII, p. 463; chapitre XXV, p. 474; chapitre XXX, p. 493 [édition 2013: pp. 391, 400-401, 418-419].

[5]Le premier évêque d’Éleuthéropolis fut Joseph (José, Joset), le cousin du Seigneur (Mt 13, 55; Mt 27, 56; Mc 6, 3; Mc 15, 40.47; Ac 1, 23). Il est présenté par Anne-Catherine Emmerich comme le fils de Marie de Cléophas et de Sabas (son second mari après Alphée), d’où le surnom «Barsab(b)as». Cf. Vie de N.S. Jésus-Christ, tome 2, p. 237; tome 5, p. 202; tome 6, p. 251.

[6]Visions, tome 2, troisième année, chapitre XVI, pp. 424-425 [édition 2013: pp. 358-359].

2 réflexions sur “Le premier voyage missionnaire (Ac 13-14)

  1. Merci beaucoup pour vos écritures qui sont éclairantes par leurs richesses et instructives au niveau spirituel et psychique; c’est un travail colossal qui mérite d’être consulté et médité.

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  2. Bonsoir Père David,
    Merci de nous donner les heures premières de l’Évangélisation. Cela nous aide à comprendre les efforts et les souffrances acceptées pour annoncer dans l’incompréhension souvent. [que] L’Église de Jean aura à subir Elle aussi puisque configurer.

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